"J'ai toujours près de moi six fidèles amis c'est à eux que je dois Tout ce que j'ai appris. Leurs noms sont : Quand, Où, Quoi, - Comment, Pourquoi et Qui."
Rudyard Kipling - "The serving men"
Peu avant 1830, la Maçonnerie réapparait sur la scène politique. Les parisiens favorisent la montée au
pouvoir de la fraction libérale représentée par Louis-Philippe, le nouveau patron de la Maçonnerie. Encore une fois, l'implication de la Maçonnerie en politique va être un cuisant échec.
Les élections municipales d'Arles suivent sensiblement le même cursus politique que la capitale; si ce n'est que le Parti Libéral, régnera en maître sur la ville jusqu'en
1865.
Aprés la Révolution de 1830, le Parti Carliste (Charles VIII) reste majoritaire sur la ville. A
tel point que les Franc-maçons de Droite comme de Gauche sont obligés de cohabiter: de 1831 à 1835, c'est l'ancien Jacobin et Franc-maçon, Florentin Pierre MAUREAU qui est en charge de la mairie,
son adjoint ne sera pas moins qu'André POMME, mais sur les 27 autres élus, 19 seront d'anciens Chiffonistes
!
du Grand Orient de France "...
- Il devait trouver un Atelier, acceptant de parrainer la Triple Alliance de l'Orient d'Arles. Ce fut La Philanthropie, brillante Loge nîmoise du Grand Orient de France,
qui attesta de l'installation de l'Atelier arlésien. La Loge était représentée par son Vénérable, un nommé BOBILLARD.
Français en général et arlésiens en particulier, recommençaient à "recoller" à l'idéal républicain : en 1847, le Frère LEDRU-ROLLIN, défenseur du Suffrage Universel obtint
une trés forte majorité tant sur le plan national que local... Le comité de soutien arlésien était alors composé à plus de 50% d'individus issus d'anciennes familles jacobines (les Monnaidiers)
... Peine perdue, la résistance obstinée de Louis-Philippe à toute réforme détermina la Révolution de 1848. Le mécontentement populaire ne cessait d'augmenter et la chute de
Louis-Philippe provoquée par les émeutes des 22,23,24 février 1848, amena la proclamation de la Seconde République. Les Républicains parisiens instalèrent alors un gouvernement provisoire, dont
le premier acte fut de proclamer la République et le Suffrage Universel, la liberté de la Presse et celle du droit de réunion.
A Marseille, le nouveau régime fut acclamé, car on crut que s'ouvrait une nouvelle ére de paix sociale et de fraternité. Mais cet espoir fut rapidement déçu: les Républicains bourgeois ne voulant
que des réformes politiques ne pouvaient s'entendre avec les républicains socialistes demandeurs de réformes sociales.
A Arles, la nouvelle République réveilla également les passions et fit ressortir au grand jour des noms de familles qui, autrefois, s'étaient engagés dans la Révolution de 1789: la Seconde
République fut bruyamment fêtée dans le populeux quartier de la Roquette.
Cet épisode de liesse ne dura pas; le Midi de la France commençait à s'enflammer. A celà, une raison essentielle : le gouvernement provisoire, pourtant poussé au pouvoir par une grande majorité
du Peuple, pensait que le calme social du pays ne dépendait que de la tranquilité de la capitale... Une loi mis le feu aux poudres: " désormais, les ouvriers parisiens ne feraient que 10
heures par jour, alors que les provinciaux en feraient 11 "... Les Loges du Midi, seules structures à offrir un refuge aux ouvriers, ne tardèrent pas à réagir !
Moins de 15 jours aprés la Proclamation de la République, la Loge de la Triple Alliance, adresse un courrier au Grand Orient, dans lequel François FERRIERES, n'hésite pas à afficher ses
opinions politiques (le vocabulaire est évocateur et axé autour du mot "prolétariat")... C'est la seule époque où nous trouverons dans les courriers des Loges, des allusions non voilées aux
sentiments politiques.
La Loge arlésienne était semble-t-il devenue au niveau local, le seul moyen de défense du milieu ouvrier, une sorte de syndicat avant l'heure... Et en ce sens, les Franc-maçons du Grand Orient
faisaient figure encore une fois de précurseurs ! Le combat social était alors à son apogée : l'économie était bloquée par les employeurs... Fait rarissime dans notre Histoire, les employeurs en
général était en grève et ceux du chemin de fer Lyon-Marseille en particulier, l'étaient aussi.
A Marseille, le 22 juin1848, plusieurs centaines d'ouvriers des chemins de fer, descendent de la coline Saint-Charles (l'endroit où se trouve la gare), envahissent les quartiers
bourgeois et dressent des barricades dans la rue de Rome et place Castellane. L'armée leur fait face: le bilan est terrible, des centaines de morts et de blessés ! Tous ceux qui furent pris sur
les barricades ou les armes à la main, furent emprisonnés au châteu d'If, puis condamnés à des peines de prison allant de un an, à la déportation en Algérie...
A la fin de 1848, la France organisa une élection présidentielle dans laquelle la quasi totalité des provençaux s'abstint. Conséquence : Louis Napoléon Bonaparte (souvent qualifié de
dictateur) fut élu par plus de 5 millions et demi de voix !
En 1849, même si le chantier du chemin de fer était sur le point de se terminer, la Maçonnerie locale allait aussi bénéficier de cet élan républicain; de nombreux arlésiens, se
rapprochèrent de l'idéal républicain prôné par le Grand Orient de France. Sur un total de 25, 16 Maçons sont originaires du terroir. La moyenne d'âge de l'Atelier est alors de 40 ans et ce sont
des ouvriers et artisans qui la composent. Un noble est présent : Scipion du ROURE; mais il faut dire qu'il est originaire du quartier populeux et révolutionnaire de la Roquette...
Tous ces évènements se passent dans un climat national et local pour le moins hostile aux Franc-maçons... Pourtant, toutes les Loges du Midi font le plein... Plus particulièrement bien entendu,
celles du Grand Orient, dont le chef de file "exotérique" n'est autre qu'un jeune député du Vaucluse, le Frère Alphonse GENT (1813-1894), Vénérable de la Loge avignonaise Les Vrais
Amis Réunis, qui compait 200 membres en 1848 et 300 en décembre 1849 !
La politisation de la Loge d'Avignon est là aussi patente : " La Maçonnerie peut donner à ses Travaux un but politique, qui lui était interdit, il n'y a encore que peu de jours... Que la
Maçonnerie, aurait, si elle réunissait les efforts de toutes ses Loges qui la composent, une puissance, une autorité sans égales sur les élections, quelles qu'elles soient. Qu'il est donc de la
dernière importance que les Loges s'occupent des élections générales qui vont avoir lieu, relativement à l'Assemblée Nationale, mais qu'il est impossible de s'en occuper librement et utilement,
si chaque Frère n'a pas la certitude que le silence le plus rigoureux et le secret le plus absolu, n'est pas strictement gardé sur les discussions qui pourraient avoir lieu"...
Le 15 juin 1849, le gouvernement avait fait voté une loi interdisant les réunions politiques ou à visée politiques. Les Loges du Grand Orient défendant par excellence l'idéal
social des républicains, se retrouvèrent ainsi en position d'illégalité.
Dans le département des Bouches du Rhône, cette loi ne sera pas immédiatement appliquée; elle ne le sera que le 28 décembre, date à laquelle, le Préfet, confronté à une opposition républicaine de
plus en plus pressante, se décide à faire appliquer la position parlementaire... Les affiches qui seront apposées dans tous les lieux publics affichent sans vergogne "Liberté, Egalité,
Fraternité" et annoncent ainsi la décision dictatoriale :
" Interdiction des réunions politiques... Dans les circonstances graves où nous sommes encore, les plus fidèles amis de la liberté, ne doivent pas hésiter à lui demander des sacrifices, pour
la préserver de ses propres excés. La société a comme chacun de ses membres, l'instinct de sa propre conservation: elle veut se défendre, c'est son droit et son devoir. Il lui faut des moyens
prompts et sûrs de se défendre victorieusement : la loi du 19 juin 1849, est un de ces moyens "...
La Loge arlésienne fera fi de cette interdiction et continuera, non sans danger, à se
réunir... Sachant que le risque encouru, n'était autre que la déportation définitive en Algérie, territoire colonial nouvellement conquis ! Mieux, en cette période de danger, la Loge
arlésienne augmente son effectif; le 12 février 1850, la Triple Alliance compte 35 membres et tous sont originaires de la région. Ce jour-là, un jeune agriculteur est initié; sur l'ensemble
des Tableaux en notre possession, ce sera la première et la dernière fois qu'une personne issue du monde agricole sera reçue en Atelier.
Au mois de mai 1850, le dictateur marque encore plus son dédin du peuple. Louis-Napoléon fait voter une loi marquant la suppression du Suffrage Universel; le 16
juillet c'est la suppression de la Presse d'opposition, frappée depuis quelques mois déjà de multiples procés et amendes ...
La résistance sociale s'organise, le trés actif noyau des Loges du Grand Orient est soutenu sur le plan populaire (villes et surtout campagnes), par une nouvelle forme de sociabilité : LA
MONTAGNE. Un dépot d'armes est constitué à Marseille...
Le 18 juillet, Alphonse GENT teste ses forces et organise un rassemblement républicain à Avignon et à Apt. Il est interpelé puis relâché par la Police. Le sous-préfet d'Apt fait
arrêter 57 Frères de la Montagne...
Le 24 octobre, GENT est à nouveau arrêté et emprisonné, mais cette fois-ci, son initiative finira devant un des tribunaux d'exception : le 28 août 1851, il sera condamné au
banissement de France pour une durée de 20 ans ! De retour de l'exil en Algérie, il reprit son activisme politique qui s'acheva au Sénat. Le 2 septembre 1870, celui qui
voulait faire de Marseille la capitale de l'Insurrection, fut nommé Préfet des Bouches du Rhône...
Pour les curieux, une Initiation Maçonnique : Une Vidéo rarissime...
ARLES
Politiquement, le vent tourne dés 1835, date à laquelle l'arlésien Jean BOULOUVARD (issu d'une famille de
Chiffonistes) reprend le fauteuil de maire tant convoité (il avait déjà été maire en 1830). Les Franc-maçons arlésiens n'apparaîtront plus sur la scène politique municipale...
Même si l'activité maçonnique locale reprend ses Travaux au cours de 1847, avec la mise en mouvement de la Loge de la Triple Alliance, fille du Grand Orient de
France. Mais, au cours de ces dernières années, le recrutement maçonnique a profondément changé. Le profil sociologique de l'Atelier qui va naître en 1847, va marquer entre autres, sur
le plan philosophique un retour vers un idéal révolutionnaire; ce profil fait apparaître les différences suivantes :
- Il n'y a pas d'arlésiens dans le nouvel Atelier, ce qui montre à quel point la maçonnerie locale n'a pas su se renouveller ! La construction de la ligne de chemin de fer Paris-Lyon-Marseille,
va fournir le gros du contingent maçonnique de la nouvelle Loge.
- Le recrutement est jeune (30 ans en moyenne) est de fait, aucun Frère n'a connu le premier épisode révolutionnaire.
- Les anciennetés dans l'Ordre maçonnique n'est rarement supérieure qu'à 2 ans.
- Posséder le Pouvoir local n'intéresse plus les Maçons tant il est vrai qu'il semble que nous assistions en cette période à la naissance d'un syndicalisme ouvrier... C'est en quelque sorte le
réveil du vieux démon Jacobin ! Sur Arles c'est un Compagnon du Devoir qui sera à l'origine de la réouverture des Travaux... A cette époque, les ouvriers sont muselés et le Compagnonnage fait
parti des associations interdites, ceci explique celà...
Le Compagnon du Devoir, à l'initiative de l'ouverture de l'Atelier, avait pour nom François FERRIERES. Entouré d'une dizaine de Frères (initiés dans les Orients de Nîmes, Marseille,
Tarascon, Lyon, Paris), il ouvrit paradoxalement l'Atelier pour la Saint Jean d'été, date qui traditionnellement marque la clôture des Travaux des loges...
Nous sommes le 25 juin 1847. Pour réouvrir La Triple Alliance, François FERRIERES, se devait d'obéir à des
Traditions séculaires:
- Il devait si possible se remettre en contact avec les membres de l'ancien Atelier de 1813. Mais 44 ans s'étaient passés... Il trouva semble-t-il les documents et timbre de l'ancien Atelier,
auprés d'un arlésien du nom de François MEYER, qui se disait en avoir été le dernier Vénérable (nous n'avons pas trouvé de Tableaux de Loge, stipulant son nom). Le fait est, qu'il
possédait les outils que recherchait François FERRIERES; François MEYER en avait probablement hérité de ses amis ou parents Jacobins (un Joseph MEYER fit parti de la première municipalité
d'Arles, présidée par le babouviste ANTONELLE). François MEYER remit les outils à François FERRIERES accompagnés de la lettre suivante:
"... Nos anciens Frères ont les uns, payés leur dette à la nature, emportés par les maladies
épidémiques, au prés du Souverain Maître et Grand Architecte de l'Univers, d'autres, infirmes ou trop âgés, ne peuvent plus partager les Travaux Maçonniques, et il nous serait difficile pour ne
pas dire impossible d'en réunir sept pour rouvrir la Triple Alliance.... La présence d'un nombre de Maçons appartenant à des Loges Régulières, établies par le chemin de fer de Marseille à Lyon,
dont le nombre est à peu prés le triple à celui de sept... D'autant que la population de ce pays a considérablement augmenté et que tous ces Fréres sont désireux de faire revivre une des plus
belles Loges qui existât à l'Orient Méridional"...